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Culturel

Le culte des ancêtres au Vietnam

Pratique rituélique commune à de nombreuses religions, le culte des ancêtres au Vietnam remonte à la nuit des temps. Peut-être est-ce là la toute première croyance ? De nos jours, cette pratique subsiste encore au Mexique, à Madagascar, en Chine, en Corée du Sud et au Viêt Nam, pays où il prend le nom de tín ngưỡng thờ cúng tổ tiên.

Le culte des ancêtres au Vietnam, une pratique qui relie et unit

Ces antiques croyances constituent le fondement de la structure familiale telle qu’elle est envisagée traditionnellement. Elles forment le lien invisible qui unit les peuples du Pays aux deux deltas et aux 54 communautés ethniques. Elles participent activement et subtilement à l’équilibre complexe et subtil d’une nation qui a réussi à concilier au fil des ans des influences religieuses, philosophiques et politiques extrêmement diversifiées. Le Vietnam est un pays essentiellement agricole. L’importance de la terre se retrouve aussi dans le culte des ancêtres, dans cette ésotérique filiation nourricière.

Le culte des ancêtres au Vietnam relie le monde des vivants à celui des morts. Il unit dans un même élan, les membres d’une famille comme il unit chaque vietnamien et chaque vietnamienne dans une vision unifiée du Pays. Vénérer ses ancêtres, c’est s’inscrire dans la continuité temporelle d’un clan, d’une famille, d’une Nation. Tout comme l’autel des ancêtres est placé au cœur de la maison, il est au cœur de la famille. Témoin des évènements marquants d’une existence : naissance, mariage, décès… Dans cette croyance, les morts ne disparaissent pas, mais séjournent au niveau de l’autel qui leur est dédié. Ils participent ainsi, discrètement, à la vie de la maisonnée.

Le culte des ancêtres repose sur cette intime conviction que l’âme d’un défunt survit après la mort et qu’elle a désormais pour mission de protéger sa descendance, son clan. Dans la dimension invisible se trouve en fait l’ensemble des esprits : génies, protecteurs, héros historiques ou mythologiques, démons, âmes errantes… et bien sûr, membres de la famille décédés. Qu’il soit bien clair ici que bien que proche du Confucianisme dans son approche de la piété filiale, le culte des ancêtres n’est attaché à aucune religion. Il existe depuis bien longtemps avant même l’introduction des courants religieux de type taoïsme ou bouddhisme.

Le culte des ancêtres au Vietnam > spiritualité

Aujourd’hui le Vietnam sait s’accommoder pragmatiquement de pratiques religieuses différentes. Le culte des ancêtres reste ce rituel à part dans la vie spirituelle des Vietnamiens. On ne comprendra pas la culture, la société vietnamienne, si on ne comprend pas cette imbrication du monde invisible (de nature Yin) dans le monde visible (de substance Yang). Dont l’autel des ancêtres est la matérialisation la plus évidente. Ainsi, un esprit peut offrir sa protection à un projet professionnel par exemple. Mais en contrepartie, les vivants doivent s’assurer d’honorer les esprits. Un manquement au culte est susceptible d’entraîner de lourdes conséquences, comme des problèmes de santé ou des soucis financiers. Dans le même ordre d’idée, il est terrifiant pour un Vietnamien de mourir sans descendance. Cela signifie que personne ne s’occupera de son autel et que son âme sera condamnée à errer sans pouvoir rejoindre le monde des esprits.

culte des ancêtres au Vietnam

Un autel au cœur du foyer

Il est le symbole de l’union et de la solidarité au sein de la famille. L’autel des ancêtres est généralement situé dans la pièce centrale de la maison, bien qu’il puisse aussi être disposé à son dernier étage. Il se compose d’une petite loge pour l’encens et d’une petite table pour mettre les offrandes, les photos des défunts ainsi que les tablettes de bois avec leurs noms inscrits dessus. De grandes décisions sont prises devant ce reposoir, comme par exemple la décision d’un mariage, la construction d’une maison… Comme il n’y a pas de différence entre le monde des vivants et le monde des morts, il n’est donc pas incongru de présenter à l’autel des ancêtres des choses parfaitement matérielles : nourriture, vêtements, objets usuels quotidiens et argent (ces derniers sont en papier, appelés Vang ma – objets votifs).

Seule la nourriture est réelle. Elle est généralement accompagnée de fleurs, d’encens et d’alcool (facultatif) qui se doit d’être de riz. Une chose ne doit pas faire défaut, c’est une tasse d’eau claire. C’est le bien le plus précieux du riziculteur après la terre. Après la combustion des baguettes d’encens, on brûlera le papier votif. On versera ensuite la petite tasse d’alcool ou d’eau sur les braises. C’est ainsi que les morts reçoivent leurs présents dans l’au-delà. Les flammes et la fumée s’élèvent dans le ciel. L’alcool liquide se mélange au feu pour imprégner la terre. Devant nos yeux, s’effectue une osmose feu-eau (Yin-Yang) et ciel-terre-eau (“Trois pouvoirs”) chargée de contenu alchimique.

Des us et coutumes vivaces

Les jeunes ont tendance à s’occidentaliser, entre autres en célébrant la naissance de quelqu’un. Mais la coutume de préférer célébrer le décès d’une personne est toujours bien ancrée dans la société vietnamienne. Après tout, quoi de plus important que de passer dans l’autre monde ? En général, lors du décès d’un membre de la famille, on fait une cérémonie au 3ème jour, puis une autre au 49ème jour et une grande cérémonie au premier anniversaire de la mort de cette personne. Autrefois, il y avait une grande célébration au 100ème jour, mais cette tradition s’est quasiment perdue. Ensuite, la famille commémore l’anniversaire de la mort chaque année. Invitant tous les parents à participer à la cérémonie puis au repas.

Pratiques du culte des ancêtres au Vietnam

D’autres pratiques liées au culte des ancêtres au Vietnam rythment la vie du peuple. Ainsi, le 1er et le 15ème jour du mois lunaire, on brulera de l’encens. On disposera aussi des offrandes sur l’autel pour vénérer les ancêtres. Et puis, il y a les grandes fêtes (Têt) de l’année lunaire. Notamment la fête des tombeaux au 3éme mois, le Têt Doan Ngọ au 5ème mois (on connait ce Tet sous le terme de « chasser la vermine »), la fête des parents au 7ème mois, la fête de la Mi- Automne au 8ème mois et l’une des plus importantes de toutes, le Têt du Nouvel An lunaire.

Ces dates sont autant d’occasions pour les familles d’organiser des festivités, d’inviter leurs proches à venir commémorer les ancêtres, tout en se donnant le temps de se rendre visite, d’échanger des nouvelles, de partager les joies et les peines. En quelque sorte, célébrer, commémorer les ancêtres participe au renforcement du lien familial et social.

La présence des ancêtres – des deux mondes – est donc un élément naturel et heureux du clan familial. Tout au long de l’année, les trépassés continuent de vivre avec leurs descendants. Ils sont tenus informés et associés à tous les événements importants de leur famille.

culte - autel des ancêtres Vietnam

Une vision unique et universelle des Hommes et du Monde

Nous n’avons effleuré ici que la surface de ce que représente le culte des ancêtres dans la réalité quotidienne, culturelle et spirituelle des Vietnamiens. Il ne peut se voir que dans la perspective englobant d’autres pratiques. Par exemple l’organisation des cérémonies liées au culte des ancêtres exprime la hiérarchie de chacun des membres dans la lignée familiale. De même, les représentations de l’homme, de l’univers qui sous-tendent le culte des ancêtres, sont autant d’éléments qui ne peuvent être détachés de cette pratique culturelle. Proposant une mise en abime intéressante de la cosmogonie vietnamienne.

Le culte des ancêtres au Vietnam contribue à développer, entretenir, renforcer les bonnes traditions familiales de respect et de piété filiale. Il semble évident que sa nature profonde est d’une plus grande envergure. Proposant une vision du monde et des Hommes à la fois unique et universelle.

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